C ' est une guerre invisible, une guerre de collines. De ce côté-ci
de la frontière, on ne devine l'avancée des combattants Banyamulenge qu'au son des mortiers et des mitrailleuses. A Cyangugu, au Rwanda, face à la ville zaïroise de Bukavu, chacun vaque à ses occupations comme si ce qui se passait de l'autre côté de la Ruzisi, la rivière qui sépare le Rwanda du Sud-Kivu, ne concernait que les Zaïrois. «Quelle guerre? Vous voyez, tout est calme ici», fanfaronne un douanier, à l'entrée de l'un des trois petits ponts qui constituent les seuls points de passage vers le Zaïre. L'armée rwandaise se fait la plus discrète possible. Les réfugiés traversent les ponts au compte-gouttes. Des femmes avec leurs enfants, qui parlent de pillages, de la violence de ceux qu'elles appellent les «volontaires», de jeunes Zaïrois organisés en milices. Elles sont sans nouvelles des hommes. Chacun sait ici ce que cela signifie mais, officiellement, ce n'est pas l'affaire du Rwanda. Samedi, une radio de Bukavu, Radio Maendeleo, captée à Cyangugu, a appelé la population de la ville au calme: «Il ne faut pas croire la rumeur propagée par ces imbéciles de Tutsis , Bukavu n'est pas près de tomber». Hier matin, les tirs ont pourtant repris, plus nourris que la veille, plus proches de la ville aussi. Vue d'ici, Bukavu a l'air déserté. Maisons aux portes ouvertes, parcelles vides d'animaux. De rares silhouettes descendent la colline pour atteindre le pont. Elles sont refoulées par l'armée zaïroise avant