Il n'avait que 22 ans lorsque, en 1979, il a créé le Messager,
premier journal privé au Cameroun et, au-delà, en Afrique centrale. Au début des années 90, Pius Njawe a été couvert de récompenses: prix de la libre expression, Press Freedom Award, plume d'or de la liberté. Aujourd'hui, le directeur du Messager, traîné de procès en procès, risque de devoir mettre la clé sous la porte. Condamné le 3 octobre pour «outrage au chef de l'Etat» à six mois de réclusion, il a été arrêté hier soir et mis en prison. Entretien .
Pourquoi la cour d'appel a-t-elle retenu des peines privatives de liberté contre vous et un de vos journalistes?
Nous avons été condamnés pour une rubrique satirique intitulée «Edito ou tard», qui traitait de la nouvelle Constitution du Cameroun. Jouant sur les mots, le journaliste a parlé des «dépités» du Parlement, de la «con-stitution». Il a aussi ironisé sur la création d'un Sénat, où les anciens chefs d'Etat occupent d'office un siège, prêtant au président Paul Biya l'intention d'assurer ainsi sa retraite, alors que les retraités camerounais ne touchent plus leurs droits. Dans ce contexte, le journaliste s'est exclamé: «le salaud!» Le tribunal a jugé ces propos injurieux.
ça vous surprend?
On peut toujours discuter de l'emploi d'un mot. Mais de là à nous condamner à des peines de prison ferme? Cela dit, le verdict ne m'a pas surpris, puisque le ministre de la Justice d'alors, Me Moutomé, a publiquement évoqué des «instructions écrites» pour nous faire mettre en p