Gisenyi, envoyée spéciale
Ils ont dansé et chanté toute la nuit, ivres de haine, face au poste frontière qui sépare de quelques mètres Goma, ville zaïroise, de Gisenyi, au Rwanda. Des miliciens Interahamwe (de l'ancien régime rwandais), torse nu et armés selon Vicky, journaliste zaïrois réfugié au Rwanda, entourés de militaires zaïrois. Le lendemain matin, des obus sont tombés pendant une demi-heure sur Gisenyi, près du marché, provoquant une panique monstre. En fin de matinée, des bus remplis de réfugies et des bâchés surchargés filaient vers le Sud. Sur le bord de la route, courbés sous les ballots, des femmes, des enfants, des vieillards, des boeufs, fuyant les premières hostilités qu'ait connues cette ville située au nord du Lac Kivu. A l'hôpital, le médecin directeur a vu passer 5 blessés, dont 3 graves. En milieu de journée, dans une ville pratiquement déserte, les soldats de l'Armée patriotique rwandaise (APR) tentent de raisonner les retardataires: «Personne n'est entré ici pour vous chasser.» Un jeune homme en civil, arme au côté, essaye de retenir des femmes qui l'écoutent, sans poser les valises qu'elles portent sur leur tête. D'autres ont fait 100 mètres et se sont arrêtées dans la rue commerçante. «Puisqu'on n'a pas où aller...» Une jeep militaire croise à grande vitesse un camion citerne où s'agrippent une vingtaine de personnes. Des vedettes militaires rwandaises filent sur les eaux grises du lac, puis disparaissent.
Près du marché, des groupes d'hommes assu