D'une crise cardiaque, dimanche soir, Jean-Bedel Bokassa est mort à
75 ans sans avoir réalisé aucun de ses rêves de vieillard. Grâcié après sept années de prison, en septembre 1993, il avait déclaré vouloir se retirer dans son palais de Berengo pour cultiver la terre, dire la messe et se consacrer à ses cinquante-cinq enfants. Il a fini ses jours dans la misère, après plusieurs semaines d'hospitalisation à Abdijan, entre les murs décrépis de la Villa Nasser qu'il avait naguère offerte à sa femme, «l'Impératrice Catherine». Oublié par «son» peuple, chez qui la rancune avait, au fil des ans, cédé le pas à l'indifférence, voire à la commisération. Abandonné par la France, à laquelle son destin fut pourtant, depuis sa naissance, si intimement lié.
C'est d'ailleurs cette «ingratitude française» que le dictateur déchu acceptait le plus difficilement. Comment sa seconde patrie avait-elle pu manigancer sa chute après avoir organisé son sacre? L'accuser d'anthropophagie après que les plus hautes personnalités se furent assises à sa table? Bokassa parlait de la France avec les accents du dépit amoureux. Sa vie entière, il est vrai, n'a été que le zigzag de ses relations passionnelles avec l'ex-métropole.
Sommaire scolarité. A Bobangui, où Jean Bedel naquit en 1921, régnait la loi des grandes compagnies forestières coloniales. Son père eut un jour la mauvaise idée de se rebeller contre une décision: on le tua sur le champ. Une semaine plus tard, son épouse se suicidait, abandonnant un gar