Goma envoyée spéciale
C'est une crique au creux des collines qui bordent le lac Kivu. Une jetée, une épave de barge. Le «port» de Goma, désert jusqu'à il y a deux jours, grouille de monde. Ce matin, une dizaine de grandes barques ont accosté, avec près d'un millier de passagers et leurs bagages. Ils sont zaïrois et viennent de Saké, un peu plus au sud du lac. Des femmes et des enfants surtout, quelques hommes, qui avaient fui Goma lors des combats des 1er et 2 novembre. Bloqués là-bas par les forces de l'ex-armée rwandaise qui a établi son front dans le camp de réfugiés de Mugunga, à mi-chemin entre Saké et Goma. «A Mugunga, il n'y a plus que des combattants, affirme un passager. C'est eux qui nous empêchaient de passer par la route.» Un autre dit qu'«on a tué beaucoup de réfugiés à Mugunga. Cinq jours avant le 12 novembre, j'ai vu plus de 200 corps sur la route». Impossible de vérifier. Il y a trois semaines, le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés) estimait que 400 000 réfugiés rwandais fuyant les combats s'étaient regroupés là. Depuis, ni les organisations humanitaires ni les journalistes n'ont pu s'approcher de Mugunga. Les check-points des nouveaux maîtres de Goma empêchent toute sortie de la ville. Les soldats rebelles font descendre les passagers, les fouillent un par un. Ils ont apporté avec eux des régimes de bananes, des sacs de manioc, des légumes, de quoi payer leur voyage, 200 000 zaïres, soit un peu moins de 20 francs pour deux heures de navigation, avec le risq