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Libération

Kisangani sous la coupe des déserteursDans la ville livrée aux «fuyards-pillards», la révolte populaire contre les militaires gronde.

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publié le 19 novembre 1996 à 1h18

Kisangani, envoyé spécial

Il porte un survêtement de sport délavé, et, s'il n'avait pas le crâne rasé, nul ne le soupçonnerait d'être un déserteur. Il a marché pendant dix jours sans interruption, franchissant plus de 400 km, de Goma vers l'intérieur du Zaïre. Puis, pour les derniers 250 km, Dokure Ngoma, 24 ans, a «réquisitionné» un véhicule, revendu à son arrivée à Kisangani. L'ex-Stanleyville, lové à la courbe du fleuve, est en passe de devenir le principal réceptacle des «fuyards-pillards» de tous ces soldats qui, refluant du front, traversent le pays en desperados armés. Dokure, lui, ne veut pas rester. Avec l'argent de la voiture, il vient d'acheter un billet d'avion pour Kinshasa, la capitale à 1500 km en aval du fleuve Zaïre, où il compte «retrouver la famille». Journaliste à Reuter-Télévision, Marc Hoogstijns n'est pas près d'oublier Kisangani. Mardi dernier (12 novembre), alors qu'il apportait une cassette à l'aéroport pour la confier à un passager, des déserteurs arrivés du front de Bukavu l'ont reconnu. Il y a deux semaines, au moment de la chute du chef-lieu du Sud-Kivu, le journaliste belge y avait en effet été seul à filmer au milieu du chaos. «Celui-là, on le connaît de Bukavu, crient les soldats. C'est un espion! Il nous a trahis aux rebelles tutsis.» Marc Hoogstijns monte dans un véhicule pour déguerpir au plus vite. Une rafale, tirée sans sommation arrête la voiture et tue les autres passagers. Lui se glisse sur le sol par la portière arrière, est ramassé