Le rendez-vous était fixé à 18 heures, à l'ambassade d'Autriche à
Paris. Une heure plus tôt, la salle disparaît déjà sous un empilement soigneux de lodens, de cannes à pommeau travaillé, de parapluies, de petits chapeaux, de capes ornées de boutons dorés, comme une soudaine bouffée de la Vienne embuée des cafés. Chacun, pourtant, s'efforce de parler en français. «L'Autriche? Je n'ai plus rien à y voir», se fâche une vieille dame: et d'un coup de menton, vers l'attaché d'ambassade, elle lâche: «C'est le premier officiel autrichien que je vois, depuis le douanier à la frontière, lorsque j'ai fui le pays en 1938.» Plus loin, un homme est venu pour comprendre «à quoi rimait l'invitation et le questionnaire», envoyé par la chancellerie. «J'ai d'abord cru à un recensement. Dès qu'un Autrichien demande à un juif de remplir des trucs, c'est mauvais signe. Je ne suis toujours pas rassuré mais je suis là pour en découdre.»
Responsabilité. Début novembre, l'ambassade avait convié tous ses (ex-)citoyens, résidant en France après avoir fui les persécutions nazies en Autriche, à s'informer sur le Fonds pour les victimes du national-socialisme. Proposée par les socialistes puis débattue pendant deux ans au Parlement de Vienne, la mesure vise un objectif, double et symbolique. C'est d'abord une des premières fois que l'Autriche reconnaît sa responsabilité dans l'extermination des juifs, tziganes, homosexuels ou militants politiques pendant ses années brunes. Doté de 1 milliard de schillings,