Goma envoyée spéciale
Benoîtement appuyé sur sa Kalachnikov, le sergent Shuhungu berce dans son bras arrondi un tout petit transistor qui braille. C'est l'heure des «messages personnels» sur Radio Star, la station locale de Goma, dans l'est du Zaïre. Quelques craquements, et puis: «Ici, le capitaine de la ville. J'annonce à toutes mes troupes que je me suis rallié à nos libérateurs. Faites comme moi, devenez les gardiens de la paix et arrêtez notre mauvaise vie.» Le sergent Shuhungu rigole. Soldat dans l'armée du maréchal Mobutu pendant vingt ans, il a lui aussi retourné son uniforme depuis que les rebelles, baptisés la Coalition pour la libération du Congo-Zaïre, ont pris le contrôle de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, il y a tout juste un mois.
Comme on passe au confessionnal, le sergent Shuhungu raconte à mi-voix, le regard repentant, une journée de son ancienne vie. «Le matin, je me levais en ne pensant qu'à une chose: les dollars. Il m'en fallait. On s'appelait avec trois autres amis, soldats eux aussi, et on décidait de commencer par ce qui rapportait le plus ici. Un barrage sur la route de l'aéroport. Certains jours, il y en avait jusqu'à 30 pour faire 60 kilomètres. On demandait 10 dollars pour un passage ordinaire, 50 pour les commerçants, 500 pour les Blancs. On pouvait tuer ceux qui n'obéissaient pas et nous semblaient des gros richards. Quand on était arrivés à 200 dollars dans la poche, on se relâchait. A la fin de la journée, on passait au "rapport che