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Libération

Zaïre: dans la forêt des Virunga, des charniers et des réfugiés moribonds «Ce n'est rien, je ne suis plus vivant»

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publié le 7 décembre 1996 à 3h23

Les Virunga envoyée spéciale

La voix s'élève doucement dans le silence de la forêt. Elle enfle à peine, se pose. C'est un cantique. Puis tout d'un coup, parties d'autres collines, on entend d'autres voix, à l'est, à l'ouest, certaines toutes proches, d'autres lointaines, qui reprennent le refrain. On ne voit personne, dans ce désert de lave, chaos d'éboulis noirs envahis par les arbres, les lianes, les troncs renversés. Rien d'humain, sauf ce choeur invisible. Le cantique s'arrête. Reste juste le chanteur, redevenu cette ombre voûtée devant un feu éteint, perdu dans l'immense forêt des Virunga, à l'est du Zaïre. «J'attends l'opinion internationale. C'est une dame sage et belle, qui conseille tous les pays. Elle va dire au reste du monde que nous sommes cachés dans la brousse, à attendre la mort. Alors, des gens apparaîtront ici et nous prendront la main pour nous ramener au Rwanda dans la paix.» A deux jours de marche de Goma, par des sentiers de brigands et d'antilopes, Habimana, 22 ans, se nourrit d'herbe depuis des jours et ne croit plus qu'en l'impossible. Comme plus de 100 000 réfugiés hutus rwandais en perdition.

Lorsque des rebelles zaïrois ont lancé leur offensive depuis le Rwanda dans l'est du Zaïre début novembre, l'évacuation des camps de réfugiés installés dans cette zone frontalière fut leur premier combat. A Katale et Kahindo, sites qui comptaient à eux deux près de 300 000 personnes au nord de Goma, on marche aujourd'hui dans des kilomètres de décombres. Il faut