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Libération

Tanzanie: sauve-qui-peut des réfugiés. Refusant de rentrer au Rwanda, 300 000 d'entre eux ont fui hier vers le Kenya.

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publié le 13 décembre 1996 à 3h08

Ngara envoyée spéciale

Il y a une sorte de quiétude dans l'air chaud, où volent des nuages de farine de maïs et de bois séché. Comme tous les matins, on pèse, on porte, on distribue des rations de nourriture au camp de Lumasi, dans le nord-ouest de la Tanzanie, où près de 500 000 réfugiés rwandais se sont installés après la guerre de 1994 sur neuf sites proches de la frontière. Soudain, près des balances, un employé rwandais arrête de servir. Puis un autre. D'un coup, plus personne ne bouge, bras croisés. Quelqu'un crie. En une seconde, l'atmosphère bascule. De l'autre côté des grillages, la foule qui attend les rations se bouscule et menace. Les préposés tanzaniens, recrutés par le Programme alimentaire mondial (PAM), reculent vers les hangars. Les sacs de nourriture se volatilisent les uns après les autres. Quelques minutes plus tard, une partie des réfugiés de Lumasi a pris le baluchon et quitte définitivement le camp, sans un mot, sans un regard, pour fuir vers l'intérieur de la Tanzanie. «On va au Kenya», dit une femme. La veille encore, elle n'avait jamais entendu parler de ce pays. Elle vient d'apprendre qu'il se trouve à plus d'un mois de marche et elle est déjà partie. En fin de journée hier, plus de 300 000 réfugiés avaient pris la route à travers la brousse. «Vous n'allez pas me croire, mais je pense que je viens de rentrer dans un putain de cauchemar», lance dans son talkie-walkie un employé du Haut-Commissariat aux réfugiés, dont la voiture se trouve soudain