Buenos Aires correspondance
Depuis son enfance, Alejandro est habité par un étrange malaise qui ne le quitte jamais. Tout lui dit que ces parents, frères, cousines, oncles, ceux avec qui il partage sa vie à Buenos Aires ne sont pas sa vraie famille. A 19 ans, il est le plus jeune d'une famille de trois enfants et celui qui, physiquement, ne ressemble ni à son père, ni à sa mère, ni à ses frères... Ses plus lointains souvenirs le ramènent invariablement à une même sensation, très forte, celle qu'on lui cache les choses. Quand il joue près de ses parents, il les entend souvent dire «On en parlera quand il dormira.» Quand il pose des questions sur le lieu de sa naissance, sa mère se contredit. Quand il interroge un oncle, une cousine, il obtient cinq versions différentes et finit par ne plus croire à aucune. Ses soupçons ne font qu'augmenter quand il réalise qu'il est né un an après le coup d'Etat, en 1977, au plus fort des enlèvements et séquestrations d'opposants au régime. Doutes sur l'identité. Il y a quelques mois, lorsque Alejandro apprend qu'une commission d'Etat aide ceux qui ont des doutes sur leur identité, il ne tarde pas à s'y présenter. Inquiet, la gorge nouée, il est peu à peu mis en confiance par l'équipe d'accueil et raconte son histoire, son trouble, sa peur. «D'après la documentation que nous avons rassemblée, nous savons que son identité a été changée, affirme Lita Abdala, une des responsables de la Commission nationale pour le droit à l'identité (Conadi).