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Libération

Les tribulations d'un dictateur qui revient au pays en sauveurDepuis 1965, Mobutu s'est imposé en homme providentiel.

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publié le 18 décembre 1996 à 2h49

L'essentiel sur le maréchal-président a été dit très tôt, à la fin des années 70, par l'écrivain V.S. Naipaul, dans son roman A la courbe du fleuve. Sans jamais le nommer, invoquant seulement l'omniprésence d'un terrifiant portrait officiel, l'auteur rend le «grand homme» responsable de la fulgurante ascension, puis du lent déclin de Kisangani, la capitale du nord-est du Zaïre, située sur la boucle du fleuve du même nom. La ville et son université, «promesse d'avenir», gagnent d'abord sur la forêt vierge, à mesure que des dalles de béton sont coulées sur l'herbe. Puis, tout est à nouveau envahi par la jungle.

Cependant, malgré des actes déments, des décisions arbitraires et l'envoi de troupes pillant ce qu'elles étaient censées protéger, la responsabilité du dictateur resterait insaisissable si, au fil des pages, on ne comprenait pas que cette violence s'exerce sur un pays-continent, qui l'est tout autant. En fait, rien ne définit le «vaste pays», lui non plus jamais nommé, sinon l'ombre du dictateur.

Authenticité africaine. Le reste n'est que littérature. D'abord hagiographique, pour encenser l'homme providentiel, le «sauveur» de l'ex-Congo belge. Par sa prise de pouvoir en novembre 1965, le colonel Joseph Désiré Mobutu met fin à des tribulations armées dans lesquelles ont péri plus de 100 000 civils. On flattera le «grand guide» Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga, dont le nom à rallonge, gage d'authenticité africaine, est traduit différemment selon les circonstances.