Oran, envoyé spécial
Le comptoir, où trône une impressionnante théorie de whiskies, semble tout droit sorti d'un cauchemar intégriste. Par-dessus les bouteilles, un immense poster de Che Guevara, la toison romantique cascadant sous son béret révolutionnaire, décroche un sourire engageant à une quadrichromie suggestive de Pamela Anderson. Etrange combinaison qu'assume d'un rire sonore le fils du patron. Karim Chérif a lui-même choisi la «déco» de ce «premier karaoké d'Algérie.» Ambiance résolument frivole, le bar du Grand Bleu est un «must», étape obligée de la tournée des night-clubs sur la corniche oranaise. Une affaire qui tourne, car chaque week-end, les jeudis et vendredis, toute la «tchitchi» du pays se déverse en flot intarissable dans les boîtes de la côte occidentale. Jeunesse dorée des beaux quartiers d'Alger, elle vient oublier dans une débauche de décibels et d'alcool, l'insupportable tension de la capitale.
Repos de tous les guerriers dans un pays traumatisé par le terrorisme, Oran cultive avec fierté sa «spécificité». «Même quand le FIS dirigeait la mairie, en 1990, il était beaucoup plus modéré qu'ailleurs. Certains de ses conseillers municipaux ne portaient pas la barbe, parlaient avec les femmes», souligne Karim, «la vingtaine de boîtes de nuit de la région n'ont jamais eu le moindre problème.» Sans complexe, la dynastie Chérif exploite le filon. Aïeul commerçant, grand-père manufacturier, papa industriel du bâtiment, à 30 ans, le fils prodigue accumule les dip