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Libération

Dans l'Algérie en guerre (3). Pendant trois jours, trois régions, trois situations. Alger, jeunesse sans joie ni loi Les jeunes tentent de survivre entre les menaces islamiste et policière.

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publié le 25 décembre 1996 à 2h32

Alger envoyé spécial

Des heures durant, l'air éteint et l'oeil vide, Djamel observe son coin de rue, un carrefour tout ce qu'il y a de plus banal, bordé des tours lépreuses d'une cité populaire. Accessoirement, il vend des cigarettes, au paquet ou à l'unité, clopes locales Nassir, Rym ou Syria, rarement des Marlboro. Le quartier ne roule pas sur l'or, loin de là. Un taux de chômage inavouable et, pour ceux qui travaillent, des salaires ridicules quand il s'agit de subvenir aux besoins de familles toujours plus nombreuses et alors que les prix ne cessent de grimper. Alors Djamel et ses copains traînent, scotchés sur leur trottoir, nourrissent leur «malvie» de longs palabres sans but dans un sabir d'arabe constellé d'expressions françaises.

Au coeur de leurs conversations, combustible de leur «dégoûtage», la «hogra», concept fourre-tout, cocktail en cinq tiers d'arbitraire et d'humiliation. Difficile d'entraîner le débat sur des thèmes mieux construits. Politique, islamisme, Etat ne sont jugés qu'à l'aulne de deux catégories, le monde entier semble s'agencer autour de deux pôles: le «haggar», fort de son pouvoir dont il abuse pour «pourrir la vie» du faible, le «mahgour». Il va sans dire que Djamel et ses amis se situent sans hésiter dans le camp de ces éternels exclus. Pour seules issues à ce dilemme, «le départ, le maquis ou la police», constate amèrement le revendeur de cigarettes. Equation en partie théorique puisque l'émigration, «désormais, c'est fichu. Impossible pour un