Mostar envoyé spécial
Dans la bagnole, ils l'ont trimbalée un petit quart d'heure à travers le quartier. Ils ne savaient pas quoi en faire. Alors ils l'ont posée n'importe où sur une esplanade déserte. Là, sur un bas-côté jonché de plâtras, en bas d'un édifice en ruine, dans les ténèbres d'une nuit nuageuse. Aussitôt, la voiture a disparu. Elle, elle est restée sur les gravats, parce qu'elle ne pouvait rien faire d'autre. Mais, dans l'espoir d'être aperçue d'un passant, elle s'est maintenue debout, arc-boutée sur ses deux cannes, immobile, trop soucieuse de ne pas chuter. Silencieuse, vêtue d'une veste de survêtement, chaussée de pantoufles, dans ce décor de dévastations de la guerre qu'elle entre-apercevait pour la première fois dans l'obscurité.
Affrontements ethniques. Sadeta Repac raconte d'une voix douce son histoire qui rappelle la terreur oustachi (miliciens du régime croate pro-nazi) de la Seconde Guerre mondiale, ou la sauvagerie des affrontements ethniques de cette dernière guerre. Pourtant, cela se passait le 25 novembre dernier.
Ce soir-là, déjà, guirlandes de boules multicolores et ribambelles de clochettes illuminent sapins et rues de son quartier. Sadeta habite dans la ville croate, entre l'université et le stade, où les gens, catholiques, préparent Noël avec faste. Elle vit depuis vingt ans dans un studio au rez-de-chaussée de la rue Obladiska. Elle est musulmane, veuve d'un Serbe. Il est 21h. Des bruits de pas résonnent sur le palier. Coups de poings sur sa por