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Libération

Madagascar désarmé face à la pesteL'île, ravagée par la misère, est frappée par cette maladie d'un autre âge.

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publié le 28 décembre 1996 à 2h17

Madagascar envoyé spécial

D'un coup de talon, Julien Ratsimbazafy écrase le gros rat ensanglanté, tandis que son adjoint achève le rongeur à grands coups de pelle. Autour de Julien, dont les cheveux dégoulinent de sueur sous sa casquette, s'est formé un cercle d'enfants à demi nus, dont certains présentent des signes avancés de sous-alimentation. Julien jette ensuite le rat dans un trou, y met le feu et recouvre le tout. A côté, un rat mort flotte dans l'égout à ciel ouvert qui traverse le quartier, Ambalavola, un labyrinthe de taudis qui serpente à travers des montagnes d'immondices et des flaques nauséabondes. Cela fait plusieurs jours que Julien et ses équipes de «pulvérisateurs» sillonnent Majanga, une ville de 150 000 habitants sur la côte ouest de Madagascar: «C'est une course contre la montre, il faut faire vite!»

Fléau de la misère. L'affaire, à Madagascar, est quasiment taboue, moins parce que l'évocation du mot «peste» risque de faire fuir les touristes qu'en raison de l'immense fierté des Malgaches. Fléau de la misère, la peste bubonique, la sinistre «peste noire» qui ravagea l'Europe au Moyen Age, est en effet en recrudescence sur la Grande Ile, devenue le premier foyer de la maladie au monde. Le bacille existe depuis un siècle sur l'île, mais il n'avait plus touché Majanga depuis 1928: «Nous avons atteint la cote d'alerte et nous devons parler d'épidémie», confirme le docteur Zo Andrianirina, inspecteur de santé à Majanga. «Nous n'arrivons pas à contrôler la proli