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Libération

Les «billets de la mort» affament le Zaïre La flambée des prix s'ajoute à l'instabilité politique et à la rébellion à l'Est.

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publié le 18 janvier 1997 à 15h46

Kinshasa envoyé spécial

L'orage matinal a transformé le plus grand marché de Kinshasa en un champ boueux labouré par les carrioles, quadrillé par des étals bancals sous lesquels se blottissent des enfants de la rue épuisés par leur errance. Sur cinq planches mâchurées s'empilent des blocs de feuilles de manioc, des bananes plantains, des bouteilles d'huile de palme, des sachets de sucre et des boîtes de sardines. «Il y a trois mois, les sardines étaient à 34 000, maintenant elles sont à 80 000», indique la marchande. Elle récite les prix de tous ses articles un par un. En un trimestre, ils ont doublé, triplé, voire quadruplé. «Je ne gagne presque rien», affirme-t-elle. «Et les clients ne sont pas contents. Ils n'ont pas l'argent.» Ils ne l'ont d'autant moins qu'ils boycottent les nouvelles coupures de 100000, 500000 et d'un million de nouveaux zaïres (NZ) mises en circulation il y a deux semaines. Sur le marché, colère au ventre on les appelle les «Jumbo», les «billets de la mort», ou, indélicate référence à l'opération du maréchal-Président Mobutu en août dernier à Lausanne, des «prostates». «Billets de la faim». Depuis le début de l'année, la guerre des prix s'ajoute à la guerre dans l'Est, contre les rebelles de Laurent Kabila, et à la guerre de succession. Le Premier ministre Kengo Wa Dondo se bat, simultanément, sur les trois fronts. Il tente d'enrayer la progression des rebelles, d'endiguer le reflux des «pillards-fuyards» du front, d'échapper aux coups d'une classe d