Bruxelles, envoyée spéciale
Il est presque 1 heure du matin, sous la lumière blanche d'une salle de travail, au deuxième étage du Parlement belge. Tourné vers une magistrate blonde et un gendarme aux sourcils épais, Marc Verwilghen éclate: «L'un de vous d'eux ne dit pas la vérité.» Et tout en colère retenue, le député suspend la séance de la commission chargée d'analyser les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'enquête judiciaire de l'affaire Dutroux.
Qu'on ne se laisse pas abuser par l'aridité du décor et la parcimonie des dialogues: en pleine nuit, des centaines de milliers de Belges sont en train de vivre en direct ce que ce professeur bruxellois appelle «une scène culte». Retransmis sur Télé 21, un des canaux de la télévision nationale belge, les travaux de la commission pulvérisent l'Audimat, avec des pointes de 700 000 téléspectateurs. En trois mois, les auditions de tous les intervenants dans l'enquête par les quinze députés sont devenues un spectacle national qui tient à la fois du procès d'assises, de la thérapie de groupe et du feuilleton à suspense.
Depuis l'arrestation l'été dernier de Marc Dutroux pour le meurtre de 4 fillettes dans le cadre d'un réseau de pédophilie, les fuites dans le dossier judiciaire ont surtout révélé les errements de l'enquête. En juin 1995, lorsque Julie et Melissa, 6 ans, sont les premières à disparaître, Marc Dutroux devient en moins d'une semaine le principal suspect des enquêteurs. Un indicateur s'est en effet empressé de balance