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Libération

Rescapés de la jungle zaïroise.Après des mois d'errance, 100 000 réfugiés s'entassent à Tingui-Tingui.

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publié le 22 janvier 1997 à 15h36

Tingui-Tingui envoyé spécial

L'homme est assis et n'attend rien. Un vague pantalon ficelé aux hanches osseuses, il baisse sa tête sur un buste nu couvert d'eczémas. Les mouches l'entourent, ses plaies suintent. «En arrivant, ils sont presque tous comme ça, explique une infirmière. C'est normal, après deux, parfois trois mois de marche dans la forêt équatoriale.» Derrière une palissade en bambou, quelques tentes abritent le centre thérapeutique des enfants. Dans l'une d'elles, vingt-six nourrissons subissent des soins de réanimation. Du déjà-vu, la routine: des traits précocement séniles, des corps décharnés enveloppés dans des bouts de pagne sales, la sonde naso-gastrite pour la solution de réhydratation, des plaintes à peine audibles. Sur les 526 morts dans ce camp, 287 (plus de la moitié) étaient des enfants de moins de 5 ans.

A Tingui-Tingui, à 150 km à l'est de Kisangani, environ 100 000 réfugiés rwandais sont sortis de la jungle, alors que le monde s'était entendu pour nier leur existence. Après de nombreuses conférences de coordination et l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité, la communauté internationale avait finalement décidé, à la veille de Noël, d'abandonner la mise sur pied d'une force d'intervention internationale. «Mais nous ne sommes pas tous morts», dit Séraphine Mokantabana, une réfugiée du camp de Mugunga, près de Goma, qui a franchi 700 km à pied «en mangeant des plantes». Combien étaient-ils au début de cette longue marche? Combien en rest