Zony, envoyé spécial
De ce qui fut un charmant village de montagne, blotti entre forêt et torrent, il ne reste presque rien. Fermes brûlées, granges éventrées, champs ravagés par les chenilles des chars. Et, plantée sur ces ruines, comme un défi à la mémoire, la borne indicatrice portant le nom du bourg martyr, ses lettres cyrilliques grêlées d'impacts. Nulle bataille n'a pourtant été livrée à Zony. Nul bombardement non plus. «Mais les troupes russes ont bivouaqué ici de mai à septembre 1995, soupire Akhmed, les soldats se sont installés dans nos maisons lors de l'encerclement de Chatoï», important fief indépendantiste dans la vallée, à une quinzaine de kilomètres au sud. «Avant de partir, ils ont tout pillé, abattu le bétail, dispersé les semences et incendié les bâtiments.» Depuis, les habitants du village survivent dans un bidonville de fortune, à quelques enjambées de leurs foyers rasés, «étrangers sur notre propre terre».
Un container pour maison. Sur un bourbier ameubli par la neige, quatre rangées de containers. Là s'entassent près de 400 sinistrés, 70 des 117 familles de Zony, «relogées» depuis plus d'un an dans de gros cubes en fer destinés au transport de marchandises et vaguement «viabilisés» par l'Office des migrations internationales. Les wagons ont été percés de fenêtres, dotés d'un poêle à bois et divisés en trois minuscules «pièces» de cinq mètres carrés. Deux familles par abri, une moyenne de dix personnes, qui dorment par roulement sur des banquettes spartia