Grozny, envoyé spécial
Dans la ruelle sévèrement gardée, de longues rafales couvrent le cri d'un mouton qu'on égorge. Aslan Maskhadov, l'ancien chef d'état-major des forces indépendantistes vient d'être élu Président. Ses plus fidèles lieutenants, rudes guerriers endurcis par deux années de bataille, laissent éclater leur joie. «Cette fois, la victoire est totale», hurle Vakhan, enclenchant un nouveau chargeur dans son arme, «la Tchétchénie est bel et bien indépendante. La Russie ne peut plus rien y faire». Un groupe de vieillards chenus, toque d'astrakan vissée bas sur le front, opine gravement de la tête. Les femmes du village se pressent vers la petite maison de brique, les bras chargés de fleurs, pour saluer le vainqueur. Zara soupire: «Grâce à Allah, nous allons enfin vivre en paix.» Dans la ferme familiale, Aslan Maskhadov étudie les résultats avec ses proches. Sa femme Khoussama et sa fille Fatima, servent le thé dans un service en Arcopal, imitation porcelaine de Chine. Sur la table en formica, s'accumulent les comptes-rendus de la Commission électorale. Avec 68% des suffrages, l'âme de la résistance tchétchène l'emporte sans conteste sur son principal adversaire, le bouillant commandant Shamil Bassaïev qui ne rafle que 16% des voix. L'ancien président Zelimkhan Iandarbiev n'a convaincu pour sa part que 15% des électeurs.
Au cours des derniers jours de la campagne, Shamil Bassaïev partout présent, redoublant de vigueur dans sa dénonciation de la Russie, avait réussi