«On ne fait pas le procès de l'Histoire», écrit le quotidien il Manifesto, qui publie chaque semaine huit pages extraites de Lotta continua, le quotidien dirigé jadis par Sofri, pour restituer le climat dans lequel de telles accusations ont pu mûrir. Des intellectuels radicaux s'autoaccusent. Comme Joyce Lussu, poétesse et ex-femme d'une légendaire figure de la résistance: «Moi aussi j'ai sablé le champagne quand j'ai su qu'on avait tué Calabresi. Et alors?» Le commissaire était l'un des hommes les plus haïs de ces années-là: on le soupçonnait d'avoir fait «sortir par la fenêtre», en décembre 1969, un anarchiste, Giuseppe Pinelli, interpellé au lendemain d'un attentat à la bombe qui avait fait 15 morts à Milan. «La question n'est plus de savoir si Sofri et ses amis sont innocents ou pas, mais, vingt-cinq ans après les faits présumés, on n'est plus forcément le même et on ne devrait plus être jugé», écrit Giorgio Bocca, l'une des stars du journalisme transalpin. Mais le cas d'une femme qui vivait sous une fausse identité et vient d'être arrêtée pour avoir tué son amant il y a vingt ans ne semble pas soulever la même indignation dans la presse. Génération 68. Malgré quelques contradictions, les journaux ne veulent pas de justice à la carte et dénoncent le côté aberrant du fonctionnement de l'appareil judiciaire en général. La génération de 68, qui est aux commandes dans la plupart des quotidiens, des hebdomadaires ou des émissions d'information des chaînes de télévision publiq
L'Italie toujours hantée par les «années de plomb» L'écrivain Adriano Sofri condamné pour un meurtre commis en 1972.
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par Edouard MIR
publié le 10 février 1997 à 21h48
Adriano Sofri divise et embarrasse l'Italie. La condamnation définitive de l'ancien leader de Lotta continua, l'un des principaux mouvements gauchistes des années 70, et de ses amis, Ovidio Bompressi et Giorgio Pietrostefani, à vingt-deux ans de prison pour le meurtre, en 1972, du commissaire de police Luigi Calabresi, a fait resurgir les fantômes des «années de plomb». Bon nombre d'intellectuels, de juristes et d'hommes politiques s'interrogent en effet sur le fonctionnement de la justice, sur l'utilisation excessive des «repentis», ces collaborateurs de justice devenus la figure clé de chaque enquête judiciaire. Dans sa cellule de la prison de Pise, Adriano Sofri emprisonné il y a quinze jours lit Dickens, répond à des milliers de messages de solidarité et tient une chronique tous les jours dans le quotidien Il Foglio. Il fait savoir qu'il ne demandera jamais la grâce au président de la République et qu'il se battra jusqu'au bout pour obtenir justice. Six procès d'assises. L'affaire éclata en 1988, quand Leonardo Marini, vendeur de pizzas à la sauvette, pris d'un remords pour le moins tardif, avoua avoir été le chauffeur du commando qui, seize ans auparavant, avait tué le commissaire Calabresi. A l'en croire, Bompressi aurait appuyé sur la détente et l'ordre aurait été donné par Sofri et Pietrostefani, alors respectivement leader et numéro deux de Lotta continua. Les trois accusés clament leur innocence. Le repenti Marini tombe dans de nombreuses contradictions, et ses accusations n'ont pu être prouvées clairement. Six procès ont eu lieu en cour d'assises. Ils sont tour à tour acquittés puis condamnés. Le verdict est cassé. Ils sont condamnés et acquittés à nouveau, puis le verdict est encore une fois cassé. Ils sont finalement condamnés, et la Cour de cassation vient de confirmer définitivement cette décision.
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