Mostar envoyé spécial
A Mostar un vacarme diurne succède aux déflagrations nocturnes. Après le couvre-feu, explosions de grenade et rafales orchestrent un climat de menace. Dès l'aube, bétonneuses et perceuses s'activent. Façades crépies et immeubles rupins surgissent entre ruines et destructions, et bien sûr une multitude de cafés. Certains d'entre eux, d'un charme surréaliste, s'accrochent en vérandas aux berges rocheuses de la rivière.
Depuis Dayton, trois ponts ont été reconstruits sur cette Neretva. Sur lesquels deux cents militaires étrangers contrôlent les allées et venues, c'est-à-dire eux-mêmes et leurs compatriotes. Aujourd'hui aucun Mostarien, à cause des incidents de la fin du ramadan, ne franchit plus la ligne de démarcation fluviale. «Même aux temps les plus dingues de la guerre, on y voyait plus de rencontres et de complicité», ironise Otto Ivic, un militaire du HVO croate. Paradoxalement, plus l'Union européenne dépense pour retaper la capitale d'Herzégovine (4 millions de dollars) plus les bénéficiaires fortifient leur ségrégation.
Amja, Croate distinguée, observe de loin ce fossé. Native de Mostar-Est, sur l'autre rive, elle s'était expatriée à Paris pendant la guerre. Elle se souvient de l'église croate de la Porte de Bagnolet, des bords de Seine dont elle s'est amourachée. Elle raconte la place de l'Opéra: «Je passais des heures, assise sur les marches, à regarder les gens. Des Noirs, des Asiatiques, des Arabes, des Français bruns et blonds. Je trouvais extr