Kinshasa, envoyée spéciale
L'ascenseur a disparu. Pas un bruit, pas le moindre clignotement lumineux. D'habitude, il suffit de cogner contre la porte des clés pour le voir surgir dans l'ombre du hall, dernier vaisseau de la modernité d'une tour dépouillée jusqu'à ses néons. En désespoir de cause, un homme compose un numéro sur son télécell. Un chuintement lui répond et les portes s'ouvrent sur un homme assis sur une chaise, télécell à la main. Sans portable, impossible de communiquer, ne serait-ce que d'un étage à l'autre, dans cette ville de plus de cinq millions d'habitants qui s'étale sur 60 kilomètres le long du fleuve qui sépare le Zaïre du Congo. Mais téléphoner est un privilège. L'abonnement télécell coûte environ 100 dollars par mois (570 F). Le salaire mensuel d'un fonctionnaire zaïrois est inférieur à 1 dollar. Quand il est payé. Manioc sur les trottoirs.On s'entasse dans l'engin, avec appréhension et courtoisie. Rien ne presse, voilà belle lurette que la plupart des employés de ce ministère ne font que passer. Des étages de vide administratif, puis, au sommet, un petit restaurant, coquet avec ses nappes bleues à pois blancs, tentative incongrue d'activité. Derrière les rideaux à la gloire de Primus, la bière locale, la vue sur le fleuve, et au-delà Brazzaville, est splendide. Au pied de la tour, la plus grande capitale d'Afrique centrale se laisse aller. Du linge sèche entre les baraques du camp militaire, les carcasses des bâtiments pillés lors des émeutes de 1