Lubumbashi, envoyé spécial
Le colonel Nsimba Kinene, 54 ans, sort pieds nus de la cave sombre où on le tient prisonnier, sous la cuisine du «Camp Lido», quartier général de la «Léopard», 21e brigade d'infanterie de Lubumbashi. Un vieux chandail troué sur le dos, les poignets et les chevilles tuméfiés, il a enfoncé un bout de chiffon dans l'une de ses oreilles, dont le tympan résonne encore des combats de la semaine. Commandant de la division spéciale présidentielle (DSP) du président Mobutu dans la province de Shaba-Katanga, le colonel jette un coup d'oeil sur le soldat rebelle aux airs de jeune chat maigre qui le fait asseoir sur une chaise et raconte d'une voix forte: «J'ai décidé de cesser de combattre mardi, alors que nous étions encerclés à l'aéroport. Mais je suis originaire du Bas-Zaïre. Si j'avais annoncé la reddition, j'aurais été taillé en pièces par mes hommes originaires de la province de l'Equateur, comme Mobutu. J'ai donc pris la fuite, à pied, vers la Zambie.» A travers la brousse, en tenue civile, le colonel perd son chemin et rencontre des villageois qui le reconnaissent. Sévèrement passé à tabac, Kinene jette de ses poches des liasses de dollars pour sauver sa peau, avant d'être arrêté. «J'avais sur moi l'argent servant à acheter les haricots du bataillon, 21 000 dollars.»
Défaite démoralisante. C'est ainsi que s'achèvera la déroute de l'armée zaïroise chargée de défendre Lubumbashi, capitale minière et deuxième ville du pays. L'aéroport est finalement tombé