Sarajevo envoyé spécial
La Golf Tas beaucoup de Bosniaques le pensent fut l'unique vainqueur de la guerre. Ce modèle yougoslave, fabriqué dans une banlieue de Sarajevo, transporta les milices, les blessés, les morts, les trafiquants, les munitions, des réfugiés, sur les routes serbes, croates, musulmanes. Hégémonique dans les rues de la capitale, au temps des bombardements, sa carrosserie rustique s'efface aujourd'hui dans un encombrement de voitures plus curvilignes, d'étrangers, d'émigrés et de commerçants. Pillé dès le début du conflit par les chefs de Pale, esseulé au bord de Vogosca, le bâtiment de l'usine bleue, qui fabriquait l'ex-voiture vedette, est en ruine et abrite désormais l'ennui d'une centaine de blouses orange. Des émissaires des grandes firmes automobiles se sont succédé pour évaluer les dégâts, sans s'attarder. Le long des routes de Bosnie apparaissent ainsi des paysages de désolation industrielle: usines écroulées, aciéries écrasées, entrepôts éventrés, tubulures rouillées. Les démolitions de certains conglomérats (Unis, Energoinvest) titistes et gigantesques incitèrent des économistes à parler d'aubaine radicale: la guerre dynamiserait une modernisation capitaliste du pays. Dix-huit mois plus tard, la fin des Golf les contredit.
C'était une petite usine, homogène, indépendante du cartel Unis. 3 500 ouvriers fabriquaient 40 000 voitures par an, essentiellement pour des acheteurs yougoslaves. Depuis, la guerre a explosé la Yougoslavie, les Bosniaques son