Lausanne envoyé spécial
«Goran G., né le 8 février 1965 à Prijedor, Bosnie-Herzégovine, alias "Karkica Goran, est accusé de violations des lois et coutumes de la guerre par le fait d'avoir, en juillet 1992, frappé au moyen de sa matraque au moins six prisonniers détenus dans le camp d'Omarska, dont au moins une femme et un enfant, et avoir ainsi au minimum causé des blessures à deux d'entre elles et provoqué la mort d'une troisième.» Dans la salle d'audience frappée de la devise du canton de Vaud, «Liberté et Patrie», Goran G. fait face à ses juges. Ce Serbe de Bosnie est le premier inculpé pour crimes de guerre à comparaître devant la justice suisse. Pour le juger, ils sont cinq. Tous portent l'uniforme, car, en Suisse, c'est la justice militaire qui a charge de sanctionner les crimes de guerre.
Le tribunal n'est pas professionnel et les jurés ne sont pas des soldats de carrière mais des citoyens qui accomplissent chaque année leurs jours de service dans l'armée suisse. Sous l'uniforme, leur ordinaire est de juger des objecteurs de conscience. Claude Nicati, le procureur, est avocat dans le civil. Pour ce procès, il a mis son habit de major. Il a préparé le dossier de l'accusation pendant son temps libre. Hors du tribunal, des gendarmes bonhommes veillent sur la sécurité dans un cadre bucolique surplombant le lac Léman. Le télescopage culturel est total. D'un côté, l'horreur le récit des tortures, la mort d'épuisement à Omarska, les cadavres qui s'entassent , de l'autre,