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Libération
Interview

Les orphelins perdus de Roumanie

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Raymond Depardon, photographe à l’agence Magnum, est retourné en Roumanie où il ne s’était plus rendu depuis la fin du communisme. Il a rapporté ces images terribles des orphelinats hérités du système Ceausescu. Témoignage.
publié le 26 avril 1997 à 0h18

Le photographe Raymond Depardon s’est rendu récemment en Roumanie et a témoigné de la situation de milliers d’enfants toujours enfermés dans des instituts, héritage tragique du système Ceausescu.

Pourquoi ce voyage en Roumanie?

Je n’étais pas retourné en Roumanie depuis la fin du communisme. A l’automne 1996, je reçois un coup de téléphone de Catherine Deneuve. Elle me demande de rencontrer Bernard Sabrier, le responsable d’une petite ONG de Genève, Children Action, qui fait un travail formidable pour les enfants enfermés dans ces institutions en Roumanie. Je le rencontre, et il m’explique qu’il ne s’agit pas de demander de l’argent mais de sensibiliser l’opinion et d’exercer une pression sur le gouvernement pour faire cesser l’horreur.

Vous aviez déjà vu ces orphelinats à la chute de Ceausescu

J’étais tombé sur ces lieux en 1990, à la frontière bulgare, j’appréhendais d’y retourner. Je suis parti en Moldavie. Toutes ces institutions sont toujours isolées, très loin des villes: on ne peut pas entendre les cris des enfants. Soudain, au fond de la Moldavie, en pleine campagne, nous voyons surgir une espèce de grande usine, une sorte de camp où l’on enferme les pestiférés. Avec sur le portail d’entrée une inscription pompeuse qui ne veut rien dire: «Institut de réadaptation des enfants handicapés».

Avant même d'entrer, on entend déjà les cris, les ordres hurlés pour faire taire les enfants, on sent l'odeur d'urine. Le cauchemar commence à l'entresol ­ rempli d'enfant