Matadi envoyé spécial
Emmené par une locomotive C 1402, fierté d'un réseau ferroviaire colonial, l'express de Matadi, par une sorte de magie en ces temps de débâcle, continue de relier Kinshasa à Matadi en sept heures et trente-deux minutes tapantes. Hors de prix pour la plupart des Zaïrois, il traverse une campagne luxuriante, longe une piste boueuse, crevassée, encombrée d'autobus surpeuplés qui, eux, achèvent le trajet de 365 kilomètres quatre jours plus tard. La gare de Matadi, une bâtisse rose et verte, délabrée, enserrée de massifs d'hortensias abandonnés, témoigne d'une ville qui fut belle et gaie. La foule est toujours là, sur la place et dans la rue de pierre qui descend à pic vers l'hôtel Métropole, dont l'architecture andalouse surplombe la ville de ses cinq étages. D'un côté, le palais du gouverneur, sur la terrasse duquel le vice-amiral Liwanda, nommé la veille, reçoit les notables et leurs épouses endimanchés malgré une canicule tropicale. De l'autre côté, les grues immobiles, sur les quais abandonnés du port.
Au bord de l'embouchure du fleuve Congo, Matadi ouvre le Zaïre sur l'Atlantique. Eugène Ibanda, haut fonctionnaire, se souvient: «Autrefois, deux ou trois bateaux accostaient chaque jours. Les marins de Matadi construisaient des maisons sur les collines et mariaient les plus jolies filles. Aujourd'hui, on les appelle les "marins restés, car ils traînent toute la journée à l'ombre des entrepôts.» Ce matin, la sirène d'un bateau sud-africain retentit enfin su