Caracas de notre correspondant
«Le jour où l'exploration pétrolière commencera effectivement sur nos terres ancestrales, les 5 000 membres de notre ethnie se suicideront collectivement puisque de toute façon nous sommes condamnés à mort"» C'est à travers cette menace pathétique, lancée au début mai par le conseil des anciens de la tribu des Uwas, que l'opinion publique colombienne a découvert la lutte inégale qui oppose depuis deux ans l'une des plus puissantes compagnies américaines de l'or noir, l'Occidental Oil, à l'une des ethnies andines qui comptaient encore au XVIIe siècle une population de plus de 20000 personnes. L'Occidental Oil, implantée depuis quinze ans en Colombie, exploite notamment les riches gisements de Cañon Limon, dans le sud-est du pays, où elle extrait aujourd'hui encore sur ce seul site 180000 barils de brut par jour. Ces puits sont toutefois en train de livrer leurs dernières réserves et la compagnie pétrolière a jeté son dévolu sur une zone proche de 162 000 hectares dont le gouvernement colombien lui a confié la concession pour vingt ans. Une zone «sacrée» pour les Indiens. «Au plus haut de l'Etat, observe Javier Ochoa, qui milite pour la défense des droits des Indiens, on savait pertinemment que ces 162000 hectares jouxtaient la réserve des Uwas dans l'est des Andes. Ceux-ci n'ont cessé de revendiquer ces territoires comme les leurs, mais comme toujours on a pensé qu'on ferait vite taire les manifestations intempestives de quelques primitifs...»