Kinshasa envoyée spéciale
Elle porte un pagne autour des hanches, comme il est de bon ton de le faire depuis que les soldats de Laurent-Désiré Kabila s'en prennent aux femmes en pantalon. Les bras croisés, elle brave le jeune soldat de l'AFDL (l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) qui agite son arme pour la faire reculer. A l'arrière, la foule gronde, hostile. Le soldat hausse les épaules et retourne vers son camion. Dans son dos, un chant monte: la Zaïroise, l'hymne national du mobutisme, comme un défi désespéré à un régime qui a rétabli la Congolaise, l'hymne de l'indépendance, sans en respecter l'esprit. Moins de deux semaines après la prise de la capitale par les troupes de l'AFDL, Kinshasa se sent floué. Le Congo du nouveau régime n'est pas celui que les Zaïrois appelaient de leurs voeux. Malgré l'interdiction des activités politiques, malgré la peur, 2 000 à 3 000 personnes ont manifesté hier matin aux cris de «Kabila assassin», et en chantant «il a vendu notre pays aux Rwandais». A 8 heures du matin pourtant, la place de la Gare où la Jeunesse de l'UDPS, le principal parti d'opposition, avait fixé rendez-vous, était vide. Les militaires avaient pris position autour du campus universitaire. Peu nombreux mais bien armés. Les étudiants, qui dans la nuit avaient «perquisitionné» une trentaine de camions, étaient bloqués en dehors de la ville. Deux heures plus tard, quelque 300 personnes se regroupaient devant la gare, des cadres de l'UDPS portant