Phnom Penh, envoyé spécial.
Dans la capitale cambodgienne, circule une anecdote aussi édifiante que cruelle. Mutée à l'hôpital public Calmette de Phnom Penh, une infirmière retrouve comme chef de service son ancien tortionnaire khmer rouge. Elle le salue poliment chaque matin et travaille comme si de rien n'était. Dans la vie de tous les jours comme sur la scène politique, le Cambodge renoue, sans complexe, avec ses fantômes. Le co-Premier ministre Norodom Ranariddh a promis la semaine dernière «un accueil chaleureux» à Khieu Samphan, le leader nominal des Khmers rouges, et à son nouveau parti politique, «Solidarité khmère». Selon le prince Ranariddh, Khieu Samphan a d'ores et déjà accepté la plate-forme politique du Front uni national (FUN), alliance créée en février dernier, et présidée par Ranariddh lui-même (1), en vue de contrer les ex-communistes du Parti du peuple cambodgien (PPC) aux élections législatives de 1998.
Alliance tactique. Ce rapprochement entre Ranariddh et Khieu Samphan, s'il se concrétise, inaugure le retour politique des Khmers rouges, pourtant responsables de la mort de 1,5 à 2 millions de leurs compatriotes entre 1975 et 1979. Ce qui serait inimaginable ailleurs est donc dans l'ordre du possible au Cambodge. Vainqueur du scrutin organisé par l'ONU en 1993, le Funcinpec a accepté bon gré mal gré de cohabiter avec le PPC, qui contrôlait alors l'administration et l'armée. Aujourd'hui encore, ce partage du pouvoir est tout relatif, le rapport de forces é