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Libération

Brésil: les Nordestins orphelins de leur curé. Frère Damien, l'ultraconservateur prêtre des pauvres, est mort la semaine dernière à Recife.

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publié le 9 juin 1997 à 3h58

Rio de Janeiro correspondance

Deuil national au Brésil autour de la dépouille d'un petit homme d'1,50 m, presque centenaire, devenu bossu à force de confesser et de se pencher sur les plus pauvres de la plus misérable des régions du pays, l'aride Nordeste. Après son décès, la semaine dernière, des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers la basilique da Penha, à Recife, pour s'incliner une dernière fois devant «frei Damiao» (frère Damien), un moine capucin d'origine italienne, vêtu de sa bure et de ses éternelles sandales. Une foule de démunis, mais quelques puissants aussi, jusqu'au président Fernando Henrique Cardoso. Même Fernando Collor a quitté son exil doré de Miami pour venir toucher le visage du frère: l'ex-président, déchu pour enrichissement illicite, avait eu pendant sa campagne électorale le soutien du religieux, ultraconservateur et farouche ennemi des communistes.

Le petit peuple le vénère comme un saint. On lui attribue des miracles. La voix en larmes, Sebastiana Gomes de Nascimento raconte: «A 6 ans mon petit ne parlait toujours pas. Trois semaines après un passage du frère, il a articulé "mioa et depuis il ne s'est plus arrêté de parler.» Dans le Nordeste, le catholicisme est imprégné de mysticisme, et on croit aux prodiges. Les paysans prêtaient notamment au «saint» le pouvoir de faire pleuvoir. Beaucoup étaient persuadés que le toucher suffisait à préserver du malheur. S'il prodiguait les faveurs divines aux dévots, il fustigeait au contraire les p