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Libération

L'errance des réfugiés hutus, «toujours vers l'ouest». Rescapés de l'exode à travers l'ex-Zaïre, ils fuient le Congo pour le Gabon.

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publié le 16 juin 1997 à 5h18

Camp de Bilolo envoyé spécial

Elle a marché huit mois, le temps d'une grossesse qui, prématurément, est venue à terme avant-hier. Elle est épuisée, souffle ses mots, mais va bien. Son enfant, un garçon, se love contre son corps émacié. «On s'y est tous mis, c'était un accouchement difficile, sans rien. Mais, quand il est venu, qu'est-ce qu'on a été heureux», dit le Dr Hilaire Thibeth, un Camerounais recruté par la Croix-Rouge congolaise et qui est resté. «Seulement, on cherche un nom pour le petit, un nom qui traduise le miracle de sa naissance.» Ils ne l'ont pas encore trouvé.

Comment dire en un mot ce périple. Celui d'une femme enceinte, réfugiée hutue, qui s'est mise en marche dans l'est du Zaïre en octobre, qui a franchi à pied une distance équivalente à Varsovie-Paris, est arrivée jusqu'au Congo mais qui, à cause des combats, a donné la vie à son premier garçon dans un camp abandonné?

Au camp de Bilolo, plusieurs milliers de réfugiés hutus, rescapés de l'exode à travers l'ex-Zaïre, survivent depuis le 5 juin, sans aucune aide extérieure. «Quand les combats à Brazzaville ont commencé, tous les Blancs sont partis», constate Narcisse Mutwarabili, le porte-parole des réfugiés. Il affirme avoir 45 ans, mais on lui en donnerait 70. Pas de plaintes, aucun reproche, que des faits bruts, le langage de la fatalité. La mortalité a doublé, il n'y a plus de médicaments, les vivres sont épuisés. Dans une nuit, il n'y aura plus de carburant pour pomper l'eau. 297 enfants souffrent de