Brazzaville, envoyé spécial.
Ils sont affalés dans les fauteuils en cuir ou, sur le parterre en marbre, couchent à même le sol. Ils exhalent l'attente et le manque de savon. L'un d'eux, à neuf heures du matin, vide au goulot une bouteille de whisky qu'il a trouvée dans le bar de l'hôtel. Rien n'a été touché dans la galerie marchande, les vitrines sont intactes, les bijoux en malakite toujours sur l'étal au fond du couloir, direction piscine. «C'est mon poste de commandement», explique le colonel Massengo, installé derrière le guichet d'une compagnie aérienne. Depuis dix jours, le Mbamou Palace se trouve sur la ligne de front, au centre-ville. Une banderole en travers de la rue proclame: «La TVA, taxe sur la valeur ajoutée, c'est l'impôt juste». A vingt mètres de là, gît le cadavre d'un civil. Dans l'arrière-front, des dizaines de soldats des Forces armées congolaises (FAC) pillent le plus grand supermarché de Brazzaville. Fusils d'assaut en bandoulière, ils poussent devant eux des caddies remplis de conserves, de poulets congélés, de couches culottes et d'assiettes en carton.
L'oreille collée au transistor, tous les combattants ont appris la nouvelle: après plus de neuf heures de tractations en coulisses, la tentative de médiation à Libreville, la capitale du Gabon, a échoué lundi soir sans qu'il n'y eût de face à face entre les délégations. Le litige portait sur l'autorité habilitée à organiser les prochaines élections. Bien qu'il accepte maintenant le report du scrutin, p