Mondragon, envoyé spécial.
«J'ai peur.» J. veut rester anonyme et refuse même d'évoquer sa profession. Il travaille dans un de ces secteurs sensibles qui sont la cible, parfois au sens propre, de la mouvance indépendantiste basque magistrats, chefs d'entreprise, fonctionnaires en tout genre" «Je dois tout le temps mesurer mes actes, mes paroles, c'est comme sous Franco, on ne peut pas s'exprimer librement.» Il préfère parler en plein air, loin des oreilles qui traînent dans les bars. Raconter les explicites menaces de mort déjà reçues. Raconter la tension quotidienne des rues de Mondragon, un grand fief électoral d'Herri Batasuna (HB), la branche politique de l'ETA. Plantée au fond de la vallée encaissée du Deba, au coeur du Pays basque, la ville de 25 000 habitants répand jusque sur les monts escarpés ses usines, ses entrepôts, ses hauts immeubles de brique triste. Mondragon fabrique un peu de tout, des clés, des frigos, des composants automobiles. Le chômage y est moins élevé qu'ailleurs, mais cette relative prospérité est figée dans un grossier décor industriel. «Gora ETA». Ici est né Txomin, l'un des dirigeants historiques de l'ETA, mort en 1987. Ici, sous un de ces entrepôts, a été enterré vivant le fonctionnaire pénitentiaire José Antonio Ortega Lara, enfermé durant 532 jours dans une cache de 3 m sur 2,5 m. Les matons de l'ETA qui le surveillaient étaient connus de tous, même s'ils menaient une vie discrète. Partout, les murs sont bombés de slogans à l'imagination r