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Libération

Des vents et des hommes (3). Aujourd'hui, le Chili. Le souffle du bout du monde. A Punta Arenas, mieux vaut s'accrocher quand la tempête australe se déchaîne.

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publié le 30 juillet 1997 à 5h28

Punta Arenas, envoyé spécial

Pas sérieux, le jeune Ramon. Pour un natif de Punta Arenas, il est des imprudences qu'on ne saurait commettre. A la sortie du supermarché, son copain José a pourtant voulu le ramener aux éoliennes réalités: «Fais pas le con, avec le vent qu'il y a, ne passe pas par la place d'Armes.» Mais, aux âmes bien nées la valeur n'attend pas que le vent soit tombé. Donc, l'impétueux Ramon s'engage, ses paquets dans les bras, arc-bouté face à l'élément déchaîné, progressant à pas incertains jusqu'à l'angle formé par le siège d'Enap, la compagnie nationale des pétroles. Et là, patatras! Une rafale rageuse le fauche, le roule au milieu de la rue, tandis que ses achats prennent la voie des airs. Au «pigeon vole» austral, l'inventaire doigt levé s'allonge: jambon, salade, pain de mie, mayonnaise en sachet volent! Et à défaut de ratons laveurs, les habitants de la ville assurent avoir vu, par très gros temps, des chats s'envoler"

Quant à Ramon, penaud, qui enlace un réverbère, il contemple ­ horresco referen ­ le papier hygiénique des emplettes hebdomadaires s'enrouler en guirlandes aux branches des grands pins, eux-mêmes secoués par la danse de Saint-Guy. Dire que la bonne ville de Punta Arenas, sise à 3 400 kilomètres au sud de Santiago, sur le 53e parallèle, est venteuse, relève de l'euphémisme rigolard, sinon de la grosse plaisanterie. Car à la «belle saison», de septembre à mars, l'air court bon train au quotidien, poussant, lors des cinq ou six tempêtes annu