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Libération

«On préfère que la France vienne nous recoloniser». L'île d'Anjouan, s'estimant lésée par rapport à ses consoeurs des Comores, rêve de revenir dans le giron français comme sa prospère cousine Mayotte. Au grand dam de Paris. b

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publié le 31 juillet 1997 à 5h23

Anjouan envoyé spécial

Sabre de bois à l'épaule, bicorne en papier sur le crâne, une phalange de gamins nu-pieds singe avec gravité un lever des couleurs. Martelant, plein de conviction, sa boîte de conserve rouillée, le jeune tambour rend les honneurs à un drapeau français planté au bout d'une palme. A quelques mètres, un groupe d'adolescents dispute une énergique partie de football entre des poteaux hérissés d'étendards tricolores. Sur le port, du boutre au chalutier, tous les navires ont hissé le pavillon bleu-blanc-rouge. Dans le centre de Mutsamudu, sur les pourtours de la «place de l'Indépendance», pas un bâtiment d'importance, public ou privé, qui ne soit pavoisé comme pour une veille de 14 juillet: le bureau de poste, la préfecture et jusqu'à la grande mosquée. L'oriflamme de l'ancienne puissance coloniale flotte au sommet du minaret, au-dessus du croissant islamique, en lieu et place des armes comoriennes. Car depuis maintenant une quinzaine de jours, au grand dam de Paris, l'île d'Anjouan est agitée d'une francophilie frénétique, nourrie par un profond mouvement sécessionniste.

«Cette fois, ça y est, nous sommes français», assure Bacar avec un aplomb doublé d'une naïveté déconcertante, «nos dirigeants ont envoyé une lettre au gouvernement pour lui dire qu'Anjouan ne faisait officiellement plus partie de la république des Comores. Et nous allons demander notre rattachement à la France. Comme ça, nous aurons enfin droit à la justice, à la santé, à l'éducation et nous