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Libération

Anjouan se joue independence day. Dans l'île, la colère grandit contre l'arrogance des Comores.

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publié le 5 août 1997 à 7h54

Anjouan, envoyé spécial.

De la passerelle, le capitaine Boris Reutov scrute le quai d'un air hagard. Les jeunes de la ville ont envahi le port de Mutsamudu, en pleine nuit. Un vent de panique balaye l'Aldébaran, paquebot ukrainien bloqué à quai par manque de fioul, alors que des grappes humaines se jettent à l'assaut des conteneurs entreposés sur la jetée. Le tintamarre a bientôt réveillé toute la capitale anjouanaise. En quelques minutes, les routes sont à nouveau bloquées, les vastes caisses en ferraille bourrées de caillasses et lancées en travers des ponts, veillées par des sentinelles armées de gourdins. Puis la fureur retombe. Embarrassés de traîner sur le pas de leur porte en robe de chambre, les notables regagnent leurs paillasses, laissant la rue aux gamins des «comités de vigilance». Les gosses croient dur comme fer que le gouvernement fédéral a dépêché des troupes fraîches sur Anjouan pour y mater la sécession. Rumeur qu'ils propagent de mosquée en mosquée, par les haut-parleurs des minarets. Et ce semblant d'onction religieuse donne au ragot la force d'une parole divine.

Rituels. Ainsi, par ces ersatz de levée en masse pour la patrie en danger, les sans-culottes anjouanais, jeunesse désoeuvrée des quartiers sinistrés, tentent de donner corps à cette «indépendance» que les dirigeants séparatistes ont déjà «officiellement» proclamée trois fois en quinze jours. A l'exception de la gendarmerie et du camp militaire des hauteurs de Hombo, où sont retranchées les troupes