Jajce envoyé spécial
En amont du village, sur les pentes douces où furent gagnés les champs, la forêt tend à reprendre ses droits. Cigüe et fenouil sauvage envahissent les labours abandonnés depuis bientôt cinq ans. Le regard de Nesib Makic embrasse le paysage avec émotion. «Nous sommes partis le 28 octobre 1992», se souvient-il. Fuite désordonnée devant l'avancée des troupes serbes. Malgré son isolement, le bourg de Kruscica n'a pas été oublié par la guerre. Pas plus que les 18 hameaux du canton de Dno Luka, disséminés alentours, près de trois cent foyers, leurs quelques 1500 habitants tous poussés sur les routes de l'exode. Longue période d'errance, de camps de réfugiés en centres d'hébergement, que Nesib espére bien révolue. Avec d'anciens voisins, ses compagnons d'exil, l'instituteur est de retour, fermement décidé à rendre vie à sa commune.
Agression. Mais le petit groupe de paysans venu reconnaître les lieux reste prudent. Femmes et enfants, pour l'heure, sont restés en arrière. Et à l'ombre d'un chêne, à l'entrée du village, veille un blindé britannique des forces de l'OTAN. Car le repeuplement des hameaux de Dno Luka ne fait pas que des heureux dans la région. Et une première tentative du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) pour réinstaller les déplacés dans leurs logements, le mois dernier, a tourné au drame. «Dès le lendemain de notre arrivée, toute une bande est entrée de nuit dans le village, raconte Kasim Kaimic, un paysan de Lendici, des gens qui criaient, des