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Libération

Dumaï, un mois sans soleil

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Le petit port de Sumatra étouffe sous un brouillard de suie.
publié le 29 septembre 1997 à 8h57

Le ferry vient de s'immobiliser dans un nuage d'écume, au milieu du détroit de Malacca (voir carte page 4). Remue-ménage dans la salle de pilotage. Un gros point vert est apparu depuis quelques minutes sur la droite de l'écran radar et se rapproche de la position du bateau. Mâchoire serrée, le capitaine, assisté de cinq marins, scrute la mer au travers des vitres poisseuses. Derrière la porte de contreplaqué, dans la salle supérieure, les dizaines de voyageurs qui s'entassent au milieu des enfants et paquets ont également tourné en silence leurs regards anxieux vers les flots gris, plutôt calmes. La purée de pois jaune et collante, venue des incendies de forêts de Sumatra, recouvre le bras de mer le plus actif du monde, laissant une visibilité de moins de 30 mètres. L'un des marins, en tricot de corps, actionne la corne de brume et la longue plainte s'évanouit sans réponse. Une forte odeur de sueur flotte dans la petite pièce.

Monstre noir. Soudain, l'énorme forme noire apparaît à tribord et glisse devant le ferry sans un bruit. Le nom du tanker apparaît très haut, gravé sur la coque. Pertamina. Comme le groupe pétrolier indonésien qui exploite les gisements de Sumatra. Le petit bateau tangue un moment sur le sillage du monstre noir qui a déjà disparu dans le brouillard. Le capitaine essuie ses lunettes, gratte une allumette, tire deux bouffées de ces cigarettes au clou de girofle que l'on fume dans les îles de la Sonde et éclate d'un rire nerveux, imité auss