Douala, envoyée spéciale.
Les squatters ont baptisé l'endroit «Zone Nylon». A la fin des années 50, c'était la mode et on ne faisait pas plus imperméable à Douala. Aujourd'hui encore, l'eau ruisselle devant les baraques de bois sur une glaise brillante comme du synthétique. Charlotte est née et vit à «Madagascar», l'un des 13 quartiers «Nylon». A l'époque, c'était la forêt, «les singes venaient voler la nourriture devant les cases». Puis d'autres familles sont venues, ont asséché et cultivé les terres marécageuses.
Il fallait avoir la foi pour défendre ces pauvres, ces citoyens de seconde zone que le jeune Etat camerounais laissait survivre aux portes de Douala. La soeur Marie, «notre Mère Teresa», comme dit Charlotte, se battra pour eux. Avec elle, les habitants s'organisent en comité d'animation, ils deviennent visibles. «Mais, à partir du moment où les milliards sont arrivés, plus rien n'a fonctionné», raconte Marilyn Douala-Bell de l'association Doual'art. Le Cameroun des années 70 vit dans l'euphorie du pétrole et des financements internationaux. Dans la foulée, on décide de mettre de l'ordre dans le fouillis de la Zone Nylon. Les bidonvilles sont baptisés «quartiers d'habitat spontané». La Banque mondiale cofinance le bijou de ce projet, un boulevard de 60 mètres de large. Au milieu des années 80, l'économie camerounaise s'essouffle. L'Etat n'honore plus sa part. La Banque mondiale se désengage. Fin du projet. Aujourd'hui, les taxi-motos bravent les trous du boulevard