Casablanca, envoyé spécial.
Dans la petite salle enfumée, en rangs serrés autour d'une table, les militants de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) entonnent leur chant. «Le socialisme, c'est l'alternative», affirment-ils en choeur, et, sous le portrait de l'homme enlevé le 29 octobre 1965 en plein Paris, ils se remémorent Mehdi Ben Barka et d'autres «martyrs» dont «le sang bouillonne toujours dans nos veines». Mohamed Hafid, le candidat de l'USFP à Ben M'Sik, fait un signe de la main. Derrière lui, sa femme et une flopée de «camarades» sortent pour distribuer «l'appel du parti», leur programme.
Autre génération. En mars 1965, la répression des émeutes de Casablanca, qui débutèrent ici, fit plusieurs centaines de morts. Hassan II décréta l'état d'urgence, dissolut le Parlement et régna par décrets pendant cinq ans. Depuis, et jusqu'en 1993, la gauche marocaine a boycotté les constitutions «octroyées», qui limitaient le nombre des élus au suffrage universel direct, et toutes les élections, dénoncées comme «truquées d'avance». Fils du quartier, issu d'une famille de neuf enfants, Mohamed Hafid raconte cette histoire du Maroc, mais ce n'est pas la sienne. Né en 1967, candidat à 30ans, ce diplômé de linguistique appartient à une autre génération. Celle qui a grandi et étudié dans Ben M'Sik, l'ex-bidonville devenu quartier populaire. A la place des taudis dans la boue, des immeubles se dressent le long de rues goudronnées. Un club vidéo s'appelle le Paradis, une crémerie