La colère est sourde mais partagée. «Nous ne comptons pour rien. On
nous met dans l'avion pour Hanoi et on doit voter pour Boutros Boutros-Ghali», s'est énervé un chef d'Etat africain à la veille du sommet de la francophonie. La candidature de l'ancien secrétaire général de l'ONU ne fait en effet pas beaucoup d'heureux sur le continent où, en 1973, est née l'idée d'une francophonie institutionnalisée. Pourtant, en marge d'un sommet euro-africain qui s'est tenu à Libreville il y a une semaine, huit Présidents du «pré carré» ont eux-mêmes retiré leur candidat, l'ex-président béninois Emile Derlin Zinsou. «Il n'avait aucune chance, du moment où Boutros-Ghali était le candidat non pas de son pays, l'Egypte, mais le candidat de Paris», a expliqué l'un d'eux, jugeant «quand même malheureux que l'homme que les Américains ont mis à la porte de l'ONU rentre sur la scène internationale par la fenêtre de la francophonie».
C'est le premier reproche des Africains: le «caractère revanchard» de l'élection de l'ex-patron de l'ONU qui, en décembre dernier, a quitté le palais de verre à New York contre son gré. «On nous fait choisir entre Washington et Paris», se plaint un ministre africain, ajoutant: «Au bout de dix ans de réforme, la francophonie se dote enfin d'un secrétaire général qui sera le porte-parole politique du mouvement. Mais fallait-il choisir quelqu'un qui nous fait passer pour un club antiaméricain?» Le second reproche s'adresse également à la France, accusée d'avoir «fait le fo