Menu
Libération

A Bruxelles mardi et mercredi, les eurodéputés ont entendu des témoins à huis clos.«Inexistant chez les morts et les vivants». Venues d'Algérie, les familles de disparus ont réclamé le droit de savoir.

Article réservé aux abonnés
publié le 28 novembre 1997 à 12h57

Bruxelles, envoyée spéciale.

L'homme parle si bas que le micro semble ne pas suffire. Cet été, il n'a pas eu le courage, ou la force, d'annoncer à un père la mort de son fils «disparu» depuis août 1994. Ce fils recherché sans trêve avait été mis dans une cellule de 1,70 m sur 1,40 m avec sept autres détenus. Quatre ont péri le quatrième jour. Asphyxiés. Les gardiens ont enlevé leurs cadavres après trois jours. Un nouveau prisonnier est mort le cinquième jour. La voix de l'homme est presque inaudible. «Comment le dire à son père?» L'idée que, peut-être, tout vaut mieux qu'apprendre «ça». Mais les autres, ces parents de milliers de «disparus» ­ cinq cas ont été déclarés la semaine dernière dans la seule cité des Anassers à Alger ­ «doivent savoir». «Il faut enfin donner le droit aux mères d'être en deuil.» Jamais jusqu'ici la sale guerre qui ensanglante l'Algérie n'était venue déranger une enceinte internationale, comme ce fut le cas mardi et mercredi à Bruxelles. L'irruption de l'horreur du conflit pour la première fois au Parlement européen a sonné les eurodéputés de la «sous-commission des droits de l'homme».

«Peur pour ceux qui restent.» Mari et femme, jeunes, mal à l'aise dans un univers si loin du leur, ils parlent timidement comme en s'excusant de prendre le temps des eurodéputés. Ils réclament aussi et seulement ce droit, comme si rien d'autre ne comptait que savoir ce qu'il est advenu du frère emmené sans ménagement devant ses enfants «pour un contrôle d'identité» par