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Libération

La Somalie, terre de fléaux sous les eaux. Après onze semaines de pluies, la vaste plaine entre les fleuves Juba et Shebelle est submergée. Quelque 300 000 déplacés sont menacés par la famine et les épidémies.

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publié le 15 décembre 1997 à 15h43

Marere, envoyé spécial.

Vu du ciel, à cause de l'aveuglante réverbération, la terre est un miroir piqué. Il faut s'en approcher pour distinguer, à la surface d'un plan d'eau couvrant des centaines de kilomètres carrés, des cimes de manguiers, des toitures de paillotes, des touffes d'épineux. Une rayure se révèle être un tronçon de piste caillouteuse ne menant nulle part, les deux extrémités dans l'eau. Les ruines d'un complexe sucrier rappellent qu'il y eut ici, avant la guerre civile qui dure depuis sept ans, un début d'industrie agricole, des bananeraies avec leur fabrique d'emballages, une usine de décorticage du riz dont émerge, comme pour narguer, le château d'eau. Le «grenier de la Somalie» est inondé. Après onze semaines de pluies quasi ininterrompues, la vaste plaine entre le Juba et la Shebelle est submergée au point où toute vie, hommes et bétail, a dû se réfugier sur des digues, des tertres exondés.

Gondoliers de l'urgence. Les petits porteurs de la Croix-Rouge internationale (CICR) et l'hélicoptère des Nations unies se posent sur la piste devenue une jetée. Pagne noué aux hanches, des Somaliens avancent dans l'eau pour transborder sur des canots à fond plat des rouleaux de bâche en plastique, des ballots de couvertures, des cartons de biscuits protéinés. Les privilégiés d'entre eux, reconnaissables aux gilets de sauvetage rouges de l'ONU, montent dans les deux bateaux munis d'un moteur hors-bord, arrivés il y a quelques jours. Les autres continuent à pagayer, à god