Il est des coïncidences parlantes. Le Parlement européen a décerné,
hier à Strasbourg, son prix Sakharov des droits de l'homme à Salima Ghezali au moment où la seule femme directrice d'un journal dans le monde arabo-musulman est privée d'expression dans son pays. Elle et toute son équipe. Depuis un an, leur journal, la Nation (le plus fort tirage des hebdomadaires en langue française) est «empêché de paraître». Une interdiction qui ne dit pas son nom, car les généraux algériens, soucieux de leur «image», se sont débarrassés du seul gêneur de la presse sans l'interdire, et en prétextant une dette impayée. Censure, intimidations et calomnies n'ont cependant pas empêché le talent de Salima Ghezali d'être reconnu dans le monde entier. Rarement, en effet, journaliste aura été aussi primée. Le ton inimitable de sa rubrique «Arc-en-ciel», mêlant éthique, politique, ironie et insolence, y est pour beaucoup. Son courage, sa liberté de ton et son obstination à défendre les droits de l'homme lui valent une multitude de fervents admirateurs et nombre de détracteurs.
Salima Ghezali a, il est vrai, de quoi irriter le régime. Cette jeune femme dont la voix ressemble à une petite musique entêtante qui dénonce les abus du pouvoir, réclame une «solution politique» pour ramener la paix et une «commission d'enquête internationale sur les massacres», refuse de choisir entre la violence des islamistes armés et celle des services de sécurité. Car, dit-elle, «choisir son camp, c'est choisir ses victi