Bamako, envoyés spéciaux.
Lionel Jospin est allé en Afrique sans vraiment quitter la France. Non seulement en raison d'une prosopopée cohabitationniste par laquelle il a invoqué, à tout bout de champ, «le président de la République Jacques Chirac». Mais aussi parce que le Premier ministre s'est servi du Maroc, du Sénégal et du Mali pour préciser son discours sur l'immigration. En échange de l'aide française et de visas qui seraient délivrés «sans comportements vexatoires» et dans le respect de «la dignité des postulants», les gouvernements africains devront accepter une «cogestion des flux migratoires». C'est le sens du «codéveloppement»: Paris aidera les zones à fort taux d'émigration si l'Afrique accueille ses clandestins reconduits «humainement». Ce voyage a donc préparé le terrain, en attendant que les préfets décident du nombre des étrangers «non régularisables» qui seront «invités» à quitter l'Hexagone.
Emprunt à Cheysson. Le lien entre l'aide et le retour des clandestins n'a pas été aussi clairement établi au royaume chérifien. La «préférence française» des autorités marocaines, qui s'est exprimée par la signature d'importants contrats commerciaux, y a tenu lieu de monnaie d'échange. En Afrique subsaharienne, en revanche, l'ambition traditionnelle de la coopération a été réduite à sa plus simple expression: à défaut de faire fleurir le Sahel, Paris y tâchera seulement de fixer les dunes de migration" Après un demi-siècle d'aide sans résultat probant, il serait malhonnêt