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Libération

Charity N'Gilu, Pasionaria kenyane. Députée depuis cinq ans, elle pourfend le tribalisme et la corruption.

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publié le 2 janvier 1998 à 17h35

Kitui, envoyée spéciale.

Elle se sera battue jusqu'au bout pour devenir la première femme président du Kenya et du continent africain. Et pas seulement avec des mots. Elle garde encore sur le bras gauche les cicatrices que lui ont faites des miliciens de la Kanu, le parti au pouvoir. On l'a vue courir devant des gaz lacrymogènes ou attraper au revers un fonctionnaire qui refusait d'enregistrer un électeur. Charity N'Gilu n'a jamais eu peur, bien qu'elle ait été la cible favorite des attaques et des sarcasmes des partisans de Daniel Arap Moï. Comme si les tenants d'un régime au pouvoir depuis dix-neuf ans avaient compris que, malgré son inexpérience politique, elle constituait une menace symboliquement plus forte qu'une opposition divisée. Cette grande femme de 45 ans n'a pas une chance de battre le président sortant. Mais elle représente cette génération de Kenyans qui ne supporte plus le joug politique et économique des caciques agrippés au pouvoir depuis l'indépendance. Sa popularité, malgré une campagne électorale modeste et le machisme des Kenyans, dit bien que les nouvelles élites de la société kenyane, souvent issues de régions rivales, n'ont pas l'intention d'entrer dans le deuxième millénaire sous la conduite d'un vieil homme, un «Mzee» comme on dit ici, qui a laissé se développer tribalisme et corruption. Interminables élections. Sonnée par six mois de campagne et des nuits sans sommeil, Charity N'Gilu traîne de table en table, surveillant jusqu'aux moindres détails