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Libération

Estonie: des russophones sans pays. Oubliés par Moscou, la moitié d'entre eux n'ont aucune citoyenneté.

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publié le 3 janvier 1998 à 17h38

Tallinn, envoyée spéciale.

Au milieu des terres en friche hérissées de sapins et de bouleaux surgit un gigantesque bâtiment gris. Les habitants de Paldiski, un port sur la péninsule de Pakri, à 52 km de Tallinn, la capitale de l'Estonie, l'appellent le Pentagone. Entouré de miradors et de barbelés, il témoigne d'un passé difficile à effacer. C'est là que les équipages des sous-marins soviétiques recevaient leur formation. Plus loin s'étend une ville-caserne fantôme faite d'immeubles vides aux fenêtres sans vitres et aux portes condamnées.

Sarcophages. A quelques kilomètres, dans la forêt, se dresse un autre édifice démesuré, long de 200 mètres, large de 20 mètres et haut de 22 mètres. Un tiers de ce hangar a récemment été recouvert de tôle bleue. A l'intérieur se trouvent deux sarcophages renfermant les «coeurs» de deux sous-marins nucléaires, le premier, installé en 1968, d'une puissance de 70 MW, le second, inauguré en 1983, de 90 MW. Au total, 160 MW, 5% de la puissance de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Dix-huit équipages s'y entraînaient chaque année, explique Valéry Guerassimov, ancien ingénieur en chef du réacteur numéro 2.

Aujourd'hui, six ans après la proclamation d'indépendance de l'Estonie, Valéry travaille toujours à Paldiski. Son employeur n'est plus l'armée Rouge, à laquelle il a sacrifié trente-deux ans de sa vie mais la société estonienne Alara, chargée de nettoyer le terrain des déchets radioactifs. Il gagne bien sa vie, avec un salaire deux fois plus éle