Tallinn, envoyée spéciale.
Au milieu des terres en friche hérissées de sapins et de bouleaux surgit un gigantesque bâtiment gris. Les habitants de Paldiski, un port sur la péninsule de Pakri, à 52 km de Tallinn, la capitale de l'Estonie, l'appellent le Pentagone. Entouré de miradors et de barbelés, il témoigne d'un passé difficile à effacer. C'est là que les équipages des sous-marins soviétiques recevaient leur formation. Plus loin s'étend une ville-caserne fantôme faite d'immeubles vides aux fenêtres sans vitres et aux portes condamnées.
Sarcophages. A quelques kilomètres, dans la forêt, se dresse un autre édifice démesuré, long de 200 mètres, large de 20 mètres et haut de 22 mètres. Un tiers de ce hangar a récemment été recouvert de tôle bleue. A l'intérieur se trouvent deux sarcophages renfermant les «coeurs» de deux sous-marins nucléaires, le premier, installé en 1968, d'une puissance de 70 MW, le second, inauguré en 1983, de 90 MW. Au total, 160 MW, 5% de la puissance de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Dix-huit équipages s'y entraînaient chaque année, explique Valéry Guerassimov, ancien ingénieur en chef du réacteur numéro 2.
Aujourd'hui, six ans après la proclamation d'indépendance de l'Estonie, Valéry travaille toujours à Paldiski. Son employeur n'est plus l'armée Rouge, à laquelle il a sacrifié trente-deux ans de sa vie mais la société estonienne Alara, chargée de nettoyer le terrain des déchets radioactifs. Il gagne bien sa vie, avec un salaire deux fois plus éle